C’est avec une immense fierté que Le RADIE vous annonce que le Dr Denis Mukwege a reçu le prix Nobel de la Paix 2018. Il nous avait fait l’honneur de sa présence à l’Université en janvier dernier, à l’occasion du colloque « Violences sexuelles comme crime de guerre », organisé par la professeure Bérangère Taxil. Revenons ensemble sur le parcours et le discours de celui que l’on surnomme « l’homme qui répare les femmes ».
Mukwege, ancien étudiant d’Angers.
Denis Mukwege nait en 1955 en République Démocratique du Congo (RDC) et est diplômé de la faculté de médecine du Burundi. Au début de sa carrière son principal combat concerne la lutte contre la mortalité maternelle qui sévit dans son pays. En 1984, il obtient une bourse et arrive à l’Université d’Angers pour se former à la gynécologie-obstétrique. En 1989, il fait le choix de retourner en RDC pour devenir directeur d’un hôpital qui sera totalement détruit. Il fonde alors l’hôpital de Panzi et se retrouve confronté aux mutilations génitales que subissent les femmes.
Les années 1990, un tournant décisif pour le Congo.
A partir de 1999 les viols avec extrême violence sévissent telle une nouvelle pathologie. Ces viols, sont planifiés de manière systématique, sont effectués collectivement et avec une violence inouïe, il arrive parfois même que ces actes barbares soient « signés » par leurs auteurs « à l’aide » d’outils, d’armes, … qu’ils utilisent aussi bien sur des bébés de six mois que sur des femmes de 80 ans.
Alors que son hôpital a été brulé en 1996, et qu’il essuie une tentative de meurtre en 2012, Denis Mukwege ne renonce pas à aider les femmes de son pays. (Mort de ses collaborateurs)
Sa préoccupation première est désormais de « réparer » les femmes ayant subit ces exactions. Il fait construire l’hôpital de Panzi dans lequel il exerce à compter de 1999. Il a également su développer de nouvelles pratiques chirurgicales aux fins de soigner les victimes de ces atrocités et utilise sa notoriété internationale pour dénoncer les crimes commis en RDC à travers le monde.
Le viol comme arme de guerre.
Le Dr Mukwege dénonce fermement l’utilisation du viol comme pure et simple arme de guerre. Dans certains villages, 200 femmes sont violées en une nuit, en public, par plusieurs personnes en même temps, souvent devant leurs familles, parfois même leurs voisins.
Il explique lors du colloque que cette « stratégie » vise à créer un traumatisme collectif afin que les populations locales quittent des terres riches en ressources - notamment le coltan (matériau utilisé en grande partie dans nos téléphones portables) - afin d’échapper au passé et se sentir en sécurité.
Cela a également des conséquences directes et indéniables en terme de démographie locale puisque « lorsque l’on détruit l’appareil génital de la femme on empêche autant de vies à venir ». Sans compter la propagation de MST et du VIH qui va tout simplement entraîner une mort douce.
L’homme qui répare les femmes
Il est vrai, Denis Mukwege est venu en aide à des milliers de femmes en tant que gynécologue – 51000 femmes ont été soignées à l’hôpital de Panzi depuis 1999- mais son travail ne s’arrête pas là, il passe aussi par une reconstruction psychologique qu’il est nécessaire d’apporter à ces dernières.
Il s’est assuré, au sein de la fondation Panzi, qu’une prise en charge soit mise en place en ce sens autant par l’intervention d’assistantes sociales que de psychologues. La fondation assure des activités au niveau communautaire avec notamment un soutien socio-économique qui passe par des activités génératrices de revenus. La fondation scolarise également les enfants violés ou les enfants issus du viol.
Une prise en charge juridique est également fournie, par le biais d’un travail de sensibilisation sur les droits de la femme. En effet, nombreuses sont celles qui ne connaissent pas les droits qu’elles pourraient revendiquer. Ont aussi été créées des cliniques juridiques locales pour permettre une justice de proximité compte tenu des insuffisances du système congolais.
Denis Mukwege, parrain de la promotion 2017-2018 du master 2 DIE
En janvier dernier, c’est ému que Denis Mukwege est revenu à Angers pour recevoir le prix de docteur Honoris Causa de l’Université. Nous avons ainsi eu la chance d’entendre son témoignage à l’occasion du Colloque « Les violences sexuelles comme arme de guerre » organisé par Bérangère Taxil. Ses mots, à la fois sincères et touchants, ont confronté tous les étudiants à la triste réalité des mutilations sexuelles que subissent les femmes et à l’inaction de la société internationale. Retour sur son discours durant le colloque : https://www.youtube.com/watch?v=sZqso8HOOzM
Denis Mukwege a très modestement accepté de devenir le parrain de la promotion 2017-2018 du master 2 Droit International et Européen et, très fière de cet honneur, cette dernière l’a remerciée par un discours prononcé par Léa Vernerey, alors présidente du RADIE, ainsi que quelques cadeaux.
Le prix Nobel de la Paix 2018.
Aujourd’hui, ce prix Nobel de la Paix 2018 marque (enfin) la reconnaissance de son combat sur la scène internationale. Nous lui souhaitons beaucoup de courage pour poursuivre son combat et espérons la mobilisation de la société internationale, à la suite de cette consécration, qu’il sollicite depuis tant d’années pour qu’enfin, le corps des femmes, et des êtres humains plus généralement cesse d’être utilisé comme une arme de guerre.