Les étudiants du master droit international et européen de l’Université d’Angers ont eu l’occasion de visiter le Tribunal spécial pour le Liban (ci-après, le « TSL »). Au cours de cette visite, ils ont appris sur la création et le fonctionnement de ce tribunal particulier.
Qu’est ce que le Tribunal Spécial pour le Liban?
Le Tribunal spécial pour le Liban est un tribunal pénal international créé en 2006 par les Nations Unies, en accord avec la République libanaise. Son mandat est de “poursuivre les personnes responsables de l’attentat du 14 février 2005 qui a entraîné la mort de Rafic Hariri, Premier ministre en exercice, et la mort ou les blessures d’autres personnes”. Il est également chargé de juger les attentats terroristes survenus au Liban entre le 1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005, dans la mesure où ces attentats seraient connexes, de nature et de gravité similaire à l’attentat initial.
Ses langues officielles sont l’anglais, l’arabe et le français. Il est composé de 11 juges libanais et internationaux, nommés par le Secrétaire général des Nations Unies, pour un mandat de 3 ans renouvelable. La majorité des juges doit toujours, selon l’article 8 du Statut du Tribunal, être internationale. Actuellement, le juge Antonio Cassese est Président et le juge Ralph Riachy l’accompagne en tant que vice-président. Norman Farrell est l’actuel procureur, chargé des enquêtes.
Un tribunal particulier
Le Tribunal spécial pour le Liban comporte un certain nombre de spécificités par rapport aux autres juridiction internationale.
D’abord, ce tribunal est la première juridiction internationale compétente pour juger des crimes de terrorisme en temps de paix comme en temps de guerre. Cette spécificité est notamment due au droit qu’il applique. À la différence d’une juridiction internationale qui applique le droit international, ce dernier va appliquer le droit libanais à la lumière du droit international. Les crimes de terrorisme et les « crimes et délits contre la vie et l’intégrité physique des personnes, les associations illicites et la non-révélation de crimes et délits » feront alors l’objet de poursuites conformément au code pénal libanais.
En outre, le tribunal est doté d’un règlement spécial qui le détache du droit procédural libanais. Le procès par défaut est alors possible. Cela signifie qu’il se déroulera sans que l’accusé soit présent. Il est important de noter qu’un accusé absent doit être représenté devant le Tribunal par un conseil de la défense. Cette procédure est rendue possible par la création du Bureau de la défense, dont le mandat est de protéger les droits de l’accusé tout au long de la procédure. Cette création atteste une nouvelle fois de la spécificité du Tribunal pour le Liban, puisque c’est le seul tribunal qui dispose d’un tel Bureau indépendant avec un statut identique à celui du Procureur.
Enfin, les victimes ayant subi des préjudices liés aux attentats peuvent participer au procès une fois la phase d’enquête terminée. Cependant, à la différence de la Cour Pénale Internationale, le Statut du Tribunal pour le Liban ne leur permet pas de réclamer une compensation.
L'affaire Ayyash et autres
Si le TSL a été établi c’est principalement pour juger de l’attentat perpétré à Beyrouth le 14 février 2005. Cet attentat a entraîné la mort du Premier ministre libanais, Rafic Hariri, mais aussi celle de 21 autres personnes. Il y a également eu 226 blessés. Les accusés dans cette affaire sont : Salim Jamil Ayyash, Hassan Habib Merhi, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra. Le titre principal de leurs poursuites est la participation à un complot en vue de commettre un acte terroriste. L’affaire est toujours en cours, depuis 2011.
Des modifications ont été apportées à l’acte d’accusation initial suite au décès de l’un des co-accusés : M. Badreddine, tué en mai 2016. L’acte d’accusation initial ainsi que les mandats d’arrêt qui lui sont joints ont été transmis aux autorités libanaises le 30 juin 2011 et envoyés à Interpol.
Étant donné que les accusés sont en fuite et refusent de participer au procès, la Chambre de première instance a décidé d’ouvrir une procédure par défaut.
Chronologie :
C’est le 16 janvier 2014 que le procès Ayyash s’est ouvert avec les déclarations de l’Accusation, celles du Représentant légal des victimes et des conseils de la Défense de M. Badreddine et de M. Oneissi.
Ensuite, entre le 28 août et le 7 septembre 2017, les Représentants légaux des victimes ont plaidé la cause des victimes.
Le 7 février 2018, l’Accusation a achevé la présentation de ses éléments de preuve, ce qui a également marqué la fin de la présentation des moyens à charge.
Le 14 mai 2018, la Défense a commencé la présentation de la cause de M. Oneissi. La présentation des moyens à décharge a pris fin le 28 juin 2018.
Le 21 septembre 2018, le réquisitoire et les plaidoiries en l’affaire Ayyash et autres ont pris fin après 9 jours d’audience. Les juges se sont à présent retirés pour délibérer et déterminer si l’Accusation avait établi sa cause au-delà de tout doute raisonnable.
Un tribunal parfois controversé
Le TSL a provoqué des controverses ainsi que des tensions, notamment avec la Syrie et le Hezbollah. En effet, a été question d’une certaine implication syrienne en ce qui concerne la libération de 4 officiers libanais considérés comme étant des « généraux pro-syriens ». De la même manière un tribunal syrien a engagé une procédure contre 25 responsables syriens pour emprisonnement injustifié. Ces tensions sont relatives aux accusations portées par le Liban envers la Syrie sur l’assassinat du Premier Ministre.
Ce qui a suscité beaucoup de controverses concernant le TSL a également été les témoins. En effet, le TSL s’est retrouvé face à la problématique de « faux témoins ». Par la suite plusieurs procédures ont été engagées à l’égard de ces « faux-témoins » qui retardaient l’enquête notamment pour des raisons politiques. À ces faux-témoins il est également possible d’ajouter certaines fuites sur les résultats dans l’enquête notamment en ce qui concerne la probable mise en accusation des hauts responsables du Hezbollah.
Antoine CELLIO, Romane CLAVIER, Emma BEDOUIN, Caroline DEFOIS
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