Une demande d’asile, c’est tout un « circuit », une procédure administrative longue et complexe. Les officiers de protection y jouent un rôle central. En tant que chef de section à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), Marie Despretz est venue détailler leur mission lors d’une conférence à l’Université d’Angers en octobre 2018.
Les différentes étapes de la demande d’asile
Forte de son expérience d’officier de protection et désormais de chef de section « Europe » en charge d’examiner la demande d’asile de personnes venant d’Europe et du Proche et Moyen-Orient, Marie Despretz a présenté les différentes étapes du « circuit » de cette demande.
Ce long périple démarre en préfecture : le demandeur retire son dossier et l’envoie à l’OFPRA sous 21 jours. C’est alors qu’un chef de section oriente le dossier vers un des dix officiers de protection qu’il dirige. Cet officier prépare l’entretien en se basant sur le dossier du demandeur et en faisant des recherches géopolitiques en fonction de sa zone d’origine.

L’entretien constitue le cœur du métier d’un officier de protection, qui doit s’adapter au niveau social et culturel du demandeur. Après avoir établi son état civil et sa composition familiale, l’officier de protection le questionne sur les raisons pour lesquelles il demande l’asile à l’OFPRA.
Selon Marie Despretz, deux types d’entretiens sont difficiles à mener pour un officier de protection. Il en va ainsi lorsqu’il est question de profils à risque, comme par exemple les personnes qui ont commis des exactions dans leur pays d’origine. Un autre cas de figure difficile est « l’entretien touchant à l’intime », quand il faut par exemple établir l’orientation sexuelle, en l’absence d’éléments objectifs. Toujours est-il que depuis la loi n° 2015-925 de 2015 relative à la réforme du droit d'asile, il existe des garanties procédurales pour le demandeur au cours de l’entretien, comme la possible présence des tiers et l’enregistrement sonore de son déroulement.
Une fois l’entretien terminé, l’officier doit évaluer la crédibilité de la demande et prendre une décision. En cas de rejet, le demandeur aura un mois pour déposer un recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA). En revanche, si le demandeur est admis au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire, son état civil sera entièrement reconstitué par la « mairie de l’OFPRA ». Il obtiendra, enfin, un titre de séjour dont la longueur varie entre 4 ans pour la protection subsidiaire et 10 ans pour le statut de réfugié.
Les différentes missions foraines de l’OFPRA
Marie Despretz a également présenté les diverses missions des officiers de protection. Jusqu’en 2013, ils instruisaient les demandes d’asile uniquement au sein de l’administration de l’OFPRA se situant à Fontenay-sous-Bois. Depuis, de nombreuses missions foraines ont été organisées afin de s’adapter aux évolutions des demandes. Ce sont les « missions hors les murs » au cours desquelles les officiers examinent les demandes d’asile en dehors des locaux de l’OFPRA. Plusieurs missions se déroulent en provinces et en outre-mer (Guyane et Mayotte). Elles permettent ainsi aux demandeurs d’asile de se rendre plus facilement à leur convocation.
Des missions sont également mises en place ponctuellement par l’OFPRA à l’étranger. Les missions de réinstallation, organisées conjointement avec le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) et auxquelles Marie Despretz a participé à de nombreuses reprises, ont notamment permis le transfert de réfugiés syriens du Proche-Orient vers la France. Selon Marie Despretz, les objectifs de celles-ci sont de soulager « les pays faisant face à un flux massif des demandeurs d’asile » depuis la « crise migratoire » de 2015, ainsi que « d’éviter les drames en Méditerranée ». Elle souligne la difficulté des entretiens pour les officiers de protection puisque les récits des demandeurs d’asile sont souvent « bruts » et « difficiles à verbaliser » notamment du fait qu’ils n’ont pu recevoir l’aide d’une association pour les préparer. En 2017, l’OFPRA a ainsi permis la réinstallation de 3000 personnes en France.
Les missions de relocalisation de l’OFPRA ont permis, quant à elles, d’organiser l’arrivée de nombreux demandeurs d’asile présents en Grèce et en Italie sur le territoire français. Marie Despretz a participé à trois de ces missions en Grèce. Elles ont été mises en place à la suite du plan de relocalisation décidé par le Conseil de l’Union européenne en 2015 qui prévoit le transfert de demandeurs d’asiles de l’Italie et de la Grèce vers les autres Etats membres pour soulager ces pays qui sont les principales voies d'accès des migrants à l'Europe. Alors que la France s’était engagée en vertu de ce mécanisme à accueillir près de 30 000 demandeurs d’asile jusqu’en 2017, seulement 4000 personnes ont été relocalisées de la Grèce et 200 personnes de l’Italie.
A travers cette riche présentation des différentes missions de l’officier de protection, Marie Despretz a mis en lumière le rôle essentiel de l’officier dans l’instruction de la demande d’asile. Elle souligne également les qualités indispensables de l’officier confronté à de nombreuses difficultés lors des entretiens : sens des relations humaines, capacité d’adaptation et rigueur.
Par Juliette Rousseau et Marion Nocquet, étudiantes en Master 2 Droit international et européen à l’Université d’Angers.
Comments